Amoureuse impénitente
Les paupières fardées du soir
Se ferment sur la nuit noire
Des orgues barbares
Chantent dans ma poitrine
Je suis une amoureuse impénitente
Les yeux me brûlent au visage
J'étouffe entre ces murs blêmes
Il faut que tu m'aimes
J'veux pas être l'absente
Je suis une amoureuse impénitente
Des fêtes indécentes
Brûlent quelque part
Des fêtes insolentes
À nos coeurs sourds
Alors on reste assis
Devant nos écrans blafards
Et c'est toujours
Le même film qui passe
Novembre, extérieur nuit
Et le désir, qui s'en va trahi...
Où s'en vont les rivières d'étoiles
Où est la mer
J'veux plus être l'absente
Je suis une amoureuse impénitente
Hélène Cardinal
SOCAN Janvier 1993
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Ces métros
Les jours passent sans nous voir
La vie respecte son horaire
Comme ces métros impassibles
Bondés de morts vivants
Il faudrait inverser
L'implacable logique
Il faudrait que l'on ose
Que l'on ose s'aimer trop
Dans ces métros que l'on prend
Comme de grands vaisseaux fantômes
Les heures qui filent somnambules
Nous parlent de la peur promise
Il faudrait inverser l'implacable logique
Il faudrait que l'on ose, que l'on ose s'aimer trop
Inventer d'autres rêves
D'autres mots d'autres gestes
Partir en éclaireur
Vers des ailleurs
Avenir
Ces mots, ces gestes
Comme une île vierge
Insoupçonnée
Perdue au milieu
De nos mots errants
De nos gestes itinérants
Hélène Cardinal
SOCAN Octobre 1993
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Cinéma
Moi j'aime le cinéma musique musique on tourne
Fais-moi ton cinéma et je suis au septième ciel
Et que tu t'étourdisses au bord du précipice
Ou que tu danses, figé avec la peur de tomber
Fais-moi la vie, fais-moi ton cinéma
Fais-moi la vie, qui danse dans les bras du hasard
Tournes-moi la vie sur écran lumière
Moi j'aime le cinéma musique, musique on tourne
Fais-moi ton cinéma fais-moi la vie qui tourne
On entre dans la danse sans l'avoir vraiment voulu
Puis on sort un beau soir, on sort comme on est venu
Qu'importe si nos pas semblent inutiles
Et l'scénario confus ou un peu malhabile
Pourvu que l'on rêve les yeux grands ouverts
Moi j'aime le cinéma musique, musique on tourne
fais-moi ton cinéma et je suis au septième ciel
Pour le fil de lumière
Auquel on s'accroche
Et aussi pour ces images
Ces images comme des miroirs
Fais-moi la vie, fais-moi ton cinéma
Fais-moi la vie, qui danse dans les bras du hasard
Tournes-moi la vie sur écran lumière
Moi j'aime le cinéma
Hélène Cardinal
SOCAN Juin 1996
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Bar détresse
Emmènes-moi mourir dans un bar
Enfumé de solitude
Pour asphyxier ma détresse
Emmènes-moi mourir dans un bar
Y'a trop d'amour foulé au pied
Et trop de beautés, piétinées
J'ai mal à l'animal
Qui s'est caché au fond de moi
Emmènes-moi mourir dans un bar
Enfumé de solitude
Pour asphyxier ma détresse
Emmènes-moi mourir dans un bar
Les gens s'ignorent les uns les autres
Et nos espoirs ont les mains vides
J'ai mal à l'animal
Qui s'est caché au fond de moi
Emmènes-moi mourir dans un bar
Enfumé de solitude
Pour asphyxier ma détresse
Emmènes-moi mourir dans un bar...
ce soir
Hélène Cardinal
SOCAN Février 1988
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Réfugié poétique
Les hivers ensev'lis, les étés de béton ardent
Les nuits douces et les pluies fines
Je vais sans savoir pourquoi j'existe
Ni pourquoi je résiste
Pour la lumière soudaine à une fenêtre
Pour un air qui m'chante dans la tête
Pour un souv'nir qu'on embellit
Pour l'av'nir qu'on espère meilleur
Sans raison aucune
Pour un ou deux peut-êtres
Les hivers ensev'lis, les étés de béton ardent
Les nuits douces et les pluies fines
Je vais sans savoir pourquoi j'existe
Ni pourquoi je résiste
Si un jour j'ai cru savoir
Les certitudes m'ont quittées, désertées
Unes à unes
Seule reste une petite flamme
Idiote, Don Quichotte
Qui brûle ridicule
Au fond de mon âme...
Je vais sans savoir pourquoi j'existe
Ni pourquoi, je résiste...
Hélène Cardinal
SOCAN Janvier 1995
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Trouver
Trouver un sens à son existence
Perdre son temps... ses illusions
Trouver l'amour comme ça par hasard
Perdre la tête, perdre son âme
Trouver l'bonheur au coin de la rue
Trouver de l'eau dans le désert
Trouver un nom pour un chat perdu
Trouver un signe au fond d'un verre
S'trouver un soir
Dans un coin perdu
Et puis se perdre dans ses rêves
Trouver un jour
Le fil de l'histoire
Quitter le gris pays des pas perdus
Trouver chaque jour sa dose d'espoir
Trouver la force de continuer
Trouver chaque jour sa dose d'espoir
Trouver un sous noir sur le trottoir
Hélène Cardinal
SOCAN Octobre 1991
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Valse millénaire
Avant que la furie n'se déchaîne
Matin blême dans la ville assoupie
Je promène ma joie vagabonde
Sur ton corps encore endormi
Ils ont trouvé de l'eau sur la lune
Au fond d'un cratère, de l'eau sur la lune
Ta peau est si douce et ce monde si amer
Gardes-moi entre tes bras de matin clair
Que je respire encore la musique de ton corps
Ailleurs dans l'univers, existent-ils
Ailleurs à des milliers d'années lumière
Existent-ils d'autres mondes aussi étranges que le nôtre
Ce fut une épopée incroyable
Ils disaient avoir trouvé de l'or
Il n'est resté que la terre à l'envers
Et puis tell'ment, tell'ment de misère
Ils ont trouvé de l'eau sur la lune
Au fond d'un cratère, de l'eau sur la lune
Combien d'Amérique, combien d'eldorado
Si seulement nous n'étions plus ces vainqueurs aveugles
Qui encore se bousculent aux portes des mirages
Ailleurs dans l'univers, existent-ils
Ailleurs à des milliers d'années lumière
Existent-ils d'autres mondes aussi étranges que le nôtre
Et le jour se lève, fin de millénaire
Et le jour se lève, quelque part sur terre...
Hélène Cardinal
SOCAN Février 1997
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Lune
Je me suis habillée d'un manteau de lune
Je n'aurai pas froid au coeur
J'ai filé mes cheveux d'années lumières
Je serai belle comme les étoiles
Quand j'sortirai dans la nuit
Abolir pour toujours la tristesse du monde
Et ne garder que le plaisir
Ce soir je vais me saouler d'impossibles
Je serai forte comme le désir
Quand j'sortirai dans la nuit
Et danse et danse
La survivance
Et danse et danse la survivance
La tristesse n'aura pas ma peau
Je me suis parfumée de fauves caresses
Je n'aurai pas peur des ombres
J'ai chaussé mes souliers pour la danse démente
Je serai l'indomptable chant
Quand j'sortirai dans la nuit
Balayer pour toujours
Les peurs qui nous aspirent
Et qui nous tiennent immobiles
Ce soir je vais me saouler d'impossibles
Je serai forte comme le désir
Quand j'sortirai dans la nuit
Hélène Cardinal
SOCAN 1989
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À la belle étoile
Nuit de juillet, douce nuit d'été
Constellée de sourires
Dans son bel habit de velours
Un souffle qui me frôle
Comme un baiser sur mon épaule
Magie blanche, magie noire
Insectes chantant leurs amours
Sous l'oeil jaune de la lune
Un parfum de fleurs éclatées
Emplit l'air étoilé
D'ivresses et de promesses
J'ai le coeur qui chavire
Heureuse et troublante insomnie
Comment peut-on dormir
Alors que la nuit est si belle
Presque surnaturelle
Il y a de l'éternité
Dans la démence du désir
Hélène Cardinal
SOCAN Mars 1985
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Rêver
Me noyer dans la nuit
Couler jusqu'au rêve
Rêver
Et si les jours sont blêmes de peur
Il existe autre chose derrière la porte close
Me noyer dans la nuit
Couler jusqu'au rêve
Rêver
De grandes pièces d'absence
Où flottent sans bruit
D'étranges voilures
Des corridors hallucinés où passent
Des troupeaux désarticulés de mots
De visages et de lieux
Refaire surface ailleurs
Tout est si réel
Toucher l'essentiel
Me noyer dans la nuit
Couler jusqu'au rêve
Rêver
Au p'tit matin au bord des lèvres
Reste une histoire confuse
Une lumière diffuse
Me noyer dans la nuit
Couler jusqu'au rêve
Rêver
Hélène Cardinal
SOCAN Mars 1995
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Banlieue
Maisons en série propres et polies
Arbres domestiques, piscines en plastique
Centres d'achats vastes et plats
Tranquilles paysages pour parents sages
Banlieue
Lieu banni de la carte des errances
Banlieue
Lieu béni de l'ennui à crédit
Tondeuses à gazon, pelouses toxiques
Garanties sans bêtes ni vermines
Sous-sols finis en pré-fini
Tranquilles pays sages pour enfants sages
Ma voisine est jalouse de ma pelouse
Banlieue
Lieu banni de la carte des errances
Banlieue
Lieu béni de l'ennui à crédit
Une heure d'autoroute pour se rendre au travail
Une heure d'autoroute pour rev'nir du travail
Banlieue
Lieu banni de la carte des errances
Banlieue
Lieu béni de l'ennui à crédit
Hélène Cardinal
SOCAN Octobre 1989
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Terrain vague
Une sauterelle, un bourdon
Une fleur a taon
De la boue pour construire
Des châteaux en enfance
Terrain vague
Tout couvert d'herbes folles
Vague à l'âme pour un bout de carton
Sur une flaque d'eau de pluie
Terrain vague
On est tous des enfants en sursis
Dans un monde impitoyable
Beaucoup trop raisonnable
Un matou endormi
Au soleil de midi
Des bouts d'bois pour construire
Des cités en enfance
Terrain vague
Zone grise sur papier
Vague à l'âme, le printemps qui rigole
Sur le bord du trottoir
Vague à l'âme
Où sont-ils ces demains invincibles
Ces vaisseaux de lumière
Qu'on rêvait de lancer
À l'assaut des murs gris
À l'assaut des tristesses
Hélène Cardinal
SOCAN Mai 1993
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Histoires à dormir debout
Je vis d'errance douce
Et de tendres délires
Je sais des îles rousses
Où fleurissent les soupirs
Et tant pis si ce sont...
Des histoires à dormir debout
À bas les mauvais fantômes
Et les têtes de carême
Et dis-moi que tu m'aimes
Je connais des châteaux
Peuplés de milliers d'oiseaux
Et des villes englouties
Où dansent de blancs esprits
Et tant pis si ce sont...
Des histoires à dormir debout
À bas les mauvais fantômes
Et les têtes de carême
Et dis-moi que tu m'aimes
Je vis d'errance douce
Et de tendres délires
Je sais des îles rousses
Où fleurissent les soupirs
Hélène Cardinal
SOCAN Juin 1986
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Nos visages
Quand je regarde nos visages
Moi qui aime à regarder
Nos visages lumineux
Comme un drame antique
Drapés de luttes et de rêves
Nos visages
Comme des masques grimaçants
À faire semblant de savoir vivre...
Nos visages
Quand je regarde ton visage
Moi qui aime à regarder
Ton visage
Précieux dans la foule mouvante des autres
Ton visage
Quand je regarde nos visages
Moi qui aime à regarder
Nos visages qu'on dessine
Qu'on dessine sur le temps, à l'encre noir
Nos visages sur des photos
Comme de pâles naufragés anonymes
Et les hallucinants vertiges
Et les hallucinants vertiges
D'un bien étrange voyage...
Nos visages
Hélène Cardinal
SOCAN 1984
 
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